Les petits poissons d’Odette

La CNV avec un bambin

15 juillet 2015

À l'heure où j'écris ces lignes, ma fille a environ 20 mois. Forte de mes lectures sur l'éducation non violente et le développement du cerveau chez les tout-petits, cela fait quelques mois que j'essaie la CNV avec elle… Avec plus ou moins de succès.

Les livres qui m'ont le plus marquée dans l'histoire sont Pour une enfance heureuse de Catherine Guegen puis J'ai tout essayé d'Isabelle Filliozat.

Les lectures

Pour une enfance heureuse, du Dr Catherine Guegen

Pour une Enfance heureuse explique le fonctionnement du cerveau et la traduction chimique des émotions (on parle de cortisol, de dopamine et d'ocytocine, notamment), et fourmille d'exemples cliniques vus en consultations (l'auteur est psychiatre pour enfants, si j'ai bien compris).

Ce livre a eu un effet ambivalent sur moi. Il m'a stressée et déstressée en même temps.

D'un côté, j'ai appris que les bébés ne crient pas forcément pour être chiants, ou parce que je suis une mauvaise mère : ils ont juste le cerveau inachevé et sont incapables de réguler leurs émotions. N'importe quel stimulus qui nous paraît insignifiant prend des proportions gigantesques dans un cerveau de tout-petit. Donc j'ai une vision des crises de colère et autres « caprices » assez différente de ce que dicte le « bon sens populaire » : au lieu de crier plus fort pour « mater » le bébé, je la prends dans mes bras, je lui parle calmement, et j'attends que ça passe. Je ne sais pas si ça vient de là, mais les crises sont assez rares, et j'ai noté qu'on me dit souvent que ma fille est « zen » ou que c'est « le bébé le plus cool du monde ».

D'un autre côté, le livre explique aussi que si on ne montre pas les bons exemples à nos enfants en termes de gestion des émotions, ou que si on ne leur accorde pas assez d'attention, ils peuvent développer des comportements dépressifs, psychopathes, sombrer dans la délinquance ou l'addiction aux drogues. Inutile de dire que j'ai eu un petit coup de pression à chacun des paragraphes de ce genre.

J'imagine que faire au mieux, selon mon ressenti, c'est déjà pas mal. Je vous encourage à le lire, si vous n'avez pas peur de vous palucher quelques dizaines de pages de neurobiologie. J'ai adoré l'aspect factuel et rigoureusement documenté du livre (ainsi que les explications de biochimie), mais je dois être un peu bizarre au fond.

J'ai tout essayé, Isabelle Filliozat

Ce livre, qui s'adresse aux parents d'enfants de 1 à 3 ans, est beaucoup moins technique (au grand dam de la partie bizarre de mon cerveau) mais très concret. Il est très agréable à lire, bien illustré, et fourmille de conseils concrets pour communiquer de manière non violente pour rester sain d'esprit avec un enfant en bas âge.

Du même auteur, j'ai lu Au cœur des émotions de l'enfant, présenté comme la bible des parents bienveillants. Je vous avoue que je n'ai pas du tout accroché au livre : je l'ai trouvé bien peu concret, empli de vérités assénées sans vraiment de preuve… Et aussi je me voyais mal appliquer dans la vraie vie les conseils donnés par l'auteur.

Le reste de l'article va vous présenter comment j'ai appliqué les conseils en question avec une bambine de onze à dix-huit mois.

La CNV avec un bambin

Entre le premier et le deuxième anniversaire des enfants, en gros, les familles vivent ce que Filliozat appelle « la période du non des parents » (par opposition à « la période du non des enfants » ou terrible two). Le bébé commence à marcher, et exploite cette nouvelle bipédie pour faire plein de conneries découvertes, sans aucune notion du danger ou de « est-ce que ça se fait » (par exemple, chercher son goûter dans la poubelle, ça ne se fait pas, mais je ne sais pas si on peut vraiment parler de danger sauf à avoir vraiment peur des microbes).

Tout le défi de la CNV, pendant cette période, est de ne pas dire juste « non » mais de dire et montrer ce qu'il faut faire à la place de ce qui est interdit. Figurez-vous que c'est compliqué !

Les boîtes de DVD

Vers 17-18 mois, la poissonnette adorait, au-delà du raisonnable, les boîtes de DVD ou de jeux vidéo. Fort heureusement pour elle (et malheureusement pour les boîtes), nous disposons d'une ludothèque très fournie qu'elle adorait vider en sortant les boîtes une par une de l'étagère pour les poser ailleurs.

Premier réflexe : dire « non » et intervenir pour l'empêcher de sortir les boîtes. Complètement inefficace : elle pleure, elle se débat, elle jette les boîtes (avec les CD dedans, donc T_T) pour protester.

Ma deuxième stratégie a été la suivante : je l'encourageais à me donner les boîtes au fur et à mesure qu'elle les sortait. Si elle faisait mine d'en jeter une par terre, je lui montrais comment la poser doucement (sur le canapé). Et après, je lui donnais les boîtes en lui disant de les remettre à leur place. Ce qu'elle faisait ! À chaque boîte remise sur l'étagère (quelle que soit la position de la boîte sur l'étagère), je la félicitais.

Le plus compliqué était de changer de schéma de pensée : au lieu de dire « ne fais pas ça », il fallait aller plus loin et ajouter « fais plutôt ceci ».

[Un exemple de fail de la CNV] La crise du jus de fruits

Parfois, moi aussi je suis crevée. Ce jour-là, j'étais vraiment crevée. Je revenais des courses avec la petite. Assise au salon, j'ai voulu lui faire goûter un petit jus de fruits pas trop sucré. Elle m'a arraché la bouteille des mains au lieu de me laisser la tenir, ce qui a renversé un peu de jus de fruits par terre.

Là, au lieu de dire « laisse-moi plutôt tenir la bouteille parcce que j'ai peur que tu renverses du jus sur le sol tout propre » ou « je te fais confiance, bois dans la bouteille » j'ai hurlé quelque chose comme « PUTAIIIIIIIINNN BORDEEEEELLLL FÉCHIEEEEEER MEEEEEERDE » (ce qui n'est pas hyper recommandé par les bouquins de CNV, si vous avez bien suivi).

J'avais envie de lui crier dessus, mais en fait j'ai réalisé au dernier moment que j'avais juste envie de crier tout court. Donc j'ai tout laissé en plan au salon, j'ai posé la gamine dans son lit à barreaux (où il ne pouvait rien lui arriver) et je suis allée crier plein de gros mots dans ma chambre à moi.

Alerté par les cris, le mari a pu récupérer la gamine dans son lit (plus étonnée qu'effrayée, apparemment), nettoyer le salon et récupérer finalement sa femme qui décompressait bruyamment sur le lit parental.

Voilà, juste pour dire qu'on n'est pas au pays des bisounours et que j'imagine qu'on craque tous plus ou moins. Juste essayer de limiter les conséquences.

Photo : CC-BY Rob Young

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